Une question que les jeunes me posent très régulièrement et je vois bien que ma réponse les déçoit à chaque fois. Ma réponse les amène à voir la jalousie sous un autre angle.
Effectivement, on a souvent tendance à rendre l’autre responsable de notre jalousie :
C’est lui qui doit se remettre en question, on lui fait facilement porter la faute. C’est tellement plus simple quand c’est l’autre le responsable, le coupable, l’auteur de tous nos tourments.
Alors que le problème viendrait peut-être de nous…
Il serait alors important, avant de se questionner sur le comportement de l’être aimé, de se questionner sur son propre comportement, car :
Non, la jalousie n’est surtout pas une preuve d’amour !
C’est en lisant Christian Bobin, « La plus que vive », hymne à l’amour dédiée à sa jeune femme décédée trop vite, que je suis tombée en arrêt sur cette phrase :
« Rien ne ressemble plus à l’amour que la jalousie et pourtant rien ne lui est plus violemment contraire. »
Christian Bobin, sublime auteur, a le don de traduire et de décrire parfaitement les sentiments, les ressentis, les émotions, mieux que quiconque :
« Le jaloux croit témoigner, par ses larmes et par ses cris, de la grandeur de son amour. Il ne fait qu’exprimer cette préférence archaïque que chacun a pour soi-même »
Effectivement, amour et jalousie sont diamétralement opposés. La jalousie est égocentrique, elle enferme, elle réduit alors que l’amour rend libre, fait grandir, il partage. L’amour épanouit, fait vivre alors que la jalousie tue. Tous les couples que nous accompagnons, hantés par la jalousie, l’expérimentent au jour le jour.
La jalousie parle, en effet, de l’enfant que nous avons été. Cet « enfant roi », pour qui tout serait dû, peut survivre toute la vie.
La jalousie est un sentiment que l’on a souvent du mal à raisonner. La jalousie est toujours une grande souffrance : elle rend triste, elle frustre, elle apeure et est à l’origine de fortes colères.
La jalousie peut naître dans tous types de relations : filiales, fraternelles (bien présente dans les fratries), amicales, professionnelles mais elle se focalise plus explicitement dans la relation amoureuse.
Nos attentes de l’être aimé peuvent être folie. Folie de croire que l’autre va pouvoir combler tous les manques ou absences d’amour que nous avons pu avoir depuis le début de notre existence. Comme si l’autre était capable de tout réparer : « Tu m’aimes donc tu dois me combler en tout. Je mets tous mes espoirs en toi ». Quelle mission impossible !
La jalousie souligne la dépendance extrême à l’autre. Nous avons le plus souvent peur de vivre seul. La jalousie nous insécurise car elle nous projette dans la perte de l’attention, de l’affection de l’autre. « Je t’en veux car je suis dépendant de toi ». Le discours de la jalousie est intarissable.
Il est alors indispensable d’apprendre à se nourrir de l’amour de soi avant de se nourrir de l’amour de l’autre pour calmer, apaiser, voire anéantir ce sentiment jaloux.
Serions-nous capables de nous guérir nous-même de tous nos manques ?
La jalousie met en évidence un problème d’estime de soi. Et l’estime de soi est un formidable antidote à la jalousie.
Si nous étions conscients de notre valeur, nous serions conscients de notre amabilité. Nous saurions que nous sommes des êtres aimables : capables d’aimer et d’être aimé. Nous avons suffisamment de qualités, d’intérêts pour susciter l’amour de l’autre. En étant conscient de notre valeur, nous n’avons plus peur de la valeur des autres et nous l’acceptons d’autant plus. Nous cessons de douter de nous-mêmes.
Ne pas se sentir aimable revient à avoir constamment peur que l’autre ne nous aime plus puisque les autres auraient plus d’intérêt que nous.
Il est aussi vrai que la conduite de l’autre peut faire douter, peut faire craindre l’éloignement. Mais alors le problème s’inverse, c’est l’autre qui est en train de nous dire quelque chose, de lui, de nous, de la relation. C’est la relation qui est en jeu.
Car la jalousie est aussi un jeu relationnel : cela peut être jouissif de rendre l’autre jaloux.
Il est tellement facile de jouer avec les sentiments de l’autre. Toutes ces attitudes viennent altérer la confiance, si importante dans la relation. En s’estimant plus, nous pourrions nous rendre compte si l’autre se joue de nous, s’il dépasse les bornes du respect.
Certains partenaires sont aussi dans l’ultra contrôle de l’autre. Comme si l’être aimé leur appartenait. Or l’amour n’est pas posséder l’autre. Aimer c’est apprendre à laisser l’autre libre en toute confiance…
Quoi de plus beau que cet amour qui rend libre : liberté de l’autre et liberté de soi.
Que l’autre devienne le plus important, celui que je veux combler par mon amour sans presque rien demander en retour. Comme le dit si bien le poète Antonin Artaud :
« Nous ne pouvons aimer personne sans vouloir automatiquement le prendre dans notre cœur, alors que l’être est de donner du cœur à ceux que l’on aime sans les ramener jamais à soi »
Je vous souhaite de vivre vos amours sans aucune once de jalousie ou alors de savoir la gérer quand elle fait surface. Être capable de se rassurer soi-même quand elle paraît injustifiée. Je vous souhaite d’avoir suffisamment confiance en vous pour avoir confiance en l’autre.
Si ce texte vous interpelle, vous pose questions, sachez que le cabinet RelatiO peut vous offrir un lieu d’écoute, d’accompagnement pour vous aider à comprendre, à gérer, à faire face à ces relations remplies de jalousie.
Bénédicte de SOULTRAIT