La période exceptionnelle et particulière que nous vivons rend plus présente la question de la mort. Perdre un être cher de façon inattendue et soudaine c’est être confronté à supporter la douleur de la perte, du regret de n’avoir pas pu dire au revoir. Faire son deuil c’est apprendre à vivre sans l’autre sans l’oublier, c’est apprendre à établir un nouveau lien avec la personne décédée tout en continuant à vivre.
Pour pouvoir répondre aux questions des enfants il s’agit tout d’abord pour nous adulte d’imaginer la mort, notre mort, se la représenter pour qu’elle ne soit plus un inconnu effrayant ; c’est l’occasion pour nous de faire le point sur nos représentations, nos valeurs, nos croyances, nos repères. Impossible de parler à nos enfants avant d’avoir réfléchi à ce qu’est la mort pour chacun d’entre nous.
« Le plus grand bien que nous puissions faire à l’enfant est de l’aider à s’exprimer. Encore faut-il être en mesure de pouvoir le supporter » nous dit Françoise Glorion.
Ce qui peut être difficile pour nous adultes et qu’il faut reconnaître :
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Montrer notre tristesse et vivre nos émotions devant nos enfants
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Se trouver démunis face à la peine, au désarroi de nos enfants
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Faire face à notre impuissance face à la mort et montrer notre impuissance à nos enfants ;
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Oser dire la vérité : en voulant protéger nos enfants nous pouvons être tentés d’édulcorés la mort « il est parti en voyage », « il est parti au ciel »… Il est important de prononcer les vrais mots de la mort pour que l’enfant comprenne ce qui se passe et puisse surmonter sa souffrance.
Les enfants et la mort
La mort pour l’enfant c’est l’inconnu, c’est l’imaginaire. Il a besoin de savoir la vérité sinon il va imaginer le pire. Parler des émotions vécues, répondre à ses questions l’aide à apprivoiser cette confrontation à la mort qui le renvoie à son angoisse vis à vis de sa propre mort, à un questionnement sur sa vie.
L’enfant qui vit un deuil est un enfant qui a besoin d’être rassuré : il a besoin de sentir l’amour des siens. C’est mieux d’être triste ensemble que triste chacun de son côté.
A chaque âge sa réalité
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Pour le bébé, la mort est identique à l’absence ; le bébé reçoit, perçoit les émotions du parent, c’est important d’expliquer ce qui est ressentis pour le rassurer
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A 2 ans, la mort correspond à l’arrêt des fonctions de vie, on ne peut plus parler, manger, courir…
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Vers 4 ans, l’enfant comprend que la mort est irréversible
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A 6 ans, l’enfant réalise que la mort est universelle dans un certain ordre, les grands-parents, les parents quand ils sont vieux.
Les enfants et les adolescents qui font l’expérience du deuil éprouvent la tristesse, la culpabilité, la peur, la colère et la quête de sens. L’intensité des émotions varie selon l’attachement à la personne décédée et selon le contexte du décès.
Lorsque la mort survient parmi l’un des leurs, ils ne peuvent qu’être fortement ébranlés. Ils perdent un confident, une source de valorisation et d’appréciation. Le deuil d’un ami peut perturber le cours de leur développement et c’est devoir faire le deuil de plusieurs pertes, invisibles aux yeux des adultes. L’enfant ou le jeune se retrouve en face de vulnérabilité vis-à-vis de sa propre mort ce qui peut faire naître des angoisses.
Pour aider les enfants
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Donner des explications claires, précises sur le décès, sur ses causes ; ne pas avoir peur de répondre à des questions du type « il a eu mal ? » « et maintenant il est seul ? » « comment ça s’est passé ? » « et maintenant il est où ? » ;
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Réduire les angoisses en répondant aux questions, ce qui inquiète et traumatise les enfants ce n’est pas la vérité, ce sont les non dits, « pourquoi l’adulte me cache t-il ce qu’il se passe ? » pense l’enfant ;
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Prendre le temps d’écouter et d’accompagner l’enfant dans l’expression de ses émotions sans tabou et sans réassurance excessive : « j’entends que tu es triste, que souhaiterais-tu pour témoigner ton amitié à ton camarade ? » « je vois que tu souffre que puis-je faire pour t’aider ? » « je vois que c’est difficile pour toi de parler maintenant, quand tu le voudras je serai là si tu en as besoin » ;
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Laisser la place à l’expression des émotions : tristesse, colère, peur ; importance que l’enfant puisse raconter, dessiner, exprimer ce qu’il ressent en fonction de ses possibilités et de son âge ;
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Ne pas présumer connaître les sentiments de l’enfant, parvenir à lui demander comment il vit lui-même ces événements ; écouter ce qu’il a à en dire ou pas ;
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Dire que nous sommes mortels et que tous nous allons mourir un jour, on ne sait pas quand ; « même quand quelqu’un est mort il existe toujours, le lien qui existe et qui nous unit est indestructible » ;
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Répondre à toutes ses questions dans la mesure de nos moyens ;
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Expliquer le sens de la mort en fonction de sa spiritualité qu’elle soit religieuse ou laïque
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Important de déculpabiliser l’enfant, de le rassurer car le sentiment inconscient de culpabilité peut exister ; c’est l’âge de la pensée magique durant lequel l’enfant peut croire qu’il a du pouvoir sur ce qui arrive : lors d’une dispute violente, d’un désaccord il a pu penser la disparition de la personne, la mort le renvoie alors à une angoisse insurmontable, il est impératif de le rassurer : il n’est pas responsable de ce qui est arrivé.
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Aider l’enfant à dire adieu : dessin, lettre, poème, objet symbolique, le faire participer au rite de l’enterrement : messe, célébration… Même si en ce moment ces rites ne peuvent avoir lieu dans les jours qui suivent la mort, c’est nécessaire d’inventer un rituel à la maison: allumer une bougie auprès de la photo du défunt et déposer son dessin…
Pour conclure
L’enfant ne vit pas la souffrance comme l’adulte. L’adulte vivra de façon continue sa souffrance. L’enfant pleure, puis rit, puis joue. Il ne reste pas en présence de sa douleur tout le temps. Il vit le présent. Il y revient lors du coucher par exemple.
L’acceptation de la mort est longue et difficile.
Etre vigilant aux troubles du sommeil, cauchemars, à la perte d’appétit, aux comportements agressifs, à l’isolement, au décrochage scolaire qui durent dans le temps : en parler avec le pédiatre ou le médecin de famille.
N’ayons pas peur d’aborder ce sujet avec nos enfants, n’ayons pas peur d’être à leurs côtés avec nos limites, nos maladresses. Soyons des adultes responsables. N’ayons pas peur de pleurer avec eux et de nous montrer vulnérables. Notre humanité est constituée de cette dimension aussi douloureuse soit elle. C’est aussi cela grandir: faire face à la mort, à l’absence, à la peine et accepter de poursuivre sa vie. Toute notre vie est constituée d’amour, de pertes et de croissance. J’espère que ces quelques repères vous aideront ainsi que vos enfants.
Sophie Lortat-Jacob
Et pour aller plus loin
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Si on parlait de la mort, Catherine Dolto et Colline Faure-Poirée, Gallimard Jeunesse
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Quelqu’un que tu aimais est mort, Agnès Auschitzka, Bayard éditions, 1996
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Tu me manques, Paul Verrept, L’école des Loisirs, 1999
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Parler de la mort, Françoise Dolto, Mercure de France, 1998
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La mort, la vie de famille, Marie-Hélène Encreve-Lambert, Bayard éditions 1999
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Les questions des tout-petits sur la mort, Bayard jeunesse
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Grand père est mort, collection Max et Lilly