Fidélité et infidélité, une valse à trois temps

25 octobre 2017 | Non classé

Camille Claudel La valse 1891 Vous avez votre carte de fidélité ? Votre fidélité vous a rapporté un bon d’achat de 10 euros. Si aujourd’hui la fidélité commerciale est encouragée, entretenue, valorisée car elle rapporte économiquement beaucoup, la fidélité conjugale, elle, interroge. Elle paraît impossible dans la durée, elle est même parfois considérée avec un a-priori […]

Camille Claudel La valse 1891

Vous avez votre carte de fidélité ? Votre fidélité vous a rapporté un bon d’achat de 10 euros. Si aujourd’hui la fidélité commerciale est encouragée, entretenue, valorisée car elle rapporte économiquement beaucoup, la fidélité conjugale, elle, interroge. Elle paraît impossible dans la durée, elle est même parfois considérée avec un a-priori négatif un peu moralisateur.

Que c’est vieux jeu de rester fidèle à son compagnon ou à sa compagne toute une vie !

Manque d’ouverture d’esprit, absence de liberté, les arguments ne manquent pas pour dénoncer la fidélité dans le couple.

Et pourtant, secrètement, silencieusement la fidélité est enviée, jalousée. Il n’y a qu’à observer le nombre de livres traitant du sujet du mystère des couples heureux et des couples qui durent pour poser le constat que nous sommes tous avides d’installer une relation amoureuse paisible et durable dans le temps excluant toute infidélité.

Alors quand on parle de  « Fidélité », de quoi parle t-on ? Un petit tour par l’étymologie du mot nous renseigne.

Le mot fidélité vient du mot fides en latin qui veut dire Foi, confiance, la définition du petit Larousse précise « qui manifeste de la constance dans son attachement, ses relations ». Pour certains le mot même d’attachement est un enfermement, une prison qui les éloigne de l’expérience de la relation fidèle. Mais à quoi sommesnous fidèles dans le couple ? A qui sommesnous fidèles dans la relation conjugale ? Sommes-nous fidèles à un engagement pris à un certain moment de la vie envers l’autre ? Sommes-nous fidèles à l’autre ? Sommes-nous fidèles à nous même, c’est à dire à qui nous étions au moment de promettre cette fidélité ou bien fidèles à nous-même dans ce que nous ressentons dans l’ici et maintenant ? Difficile à dire.

« Au premier temps de la valse,

toute seule tu souris déjà (…) je suis seul mais je t’aperçois » J.Brel

Au début de la relation amoureuse, le sentiment est tellement puissant, l’attirance physique tellement intense qu’il n’y a pas de place pour un ou une autre. L’intensité de ce processus a été expliqué par les neurosciences à travers la nécessité de la reproduction de l’espèce humaine, le petit humain ne pouvant survivre seul, il est impératif qu’il soit entouré d’un couple parental jusqu’à son autonomie. Oui mais voilà, l’évolution de notre espèce se dégageant de son animalité nous conduit à vivre autrement ce lien. Dans le code civil, les époux se promettent fidélité. Là encore l’esprit de la Loi fait référence au foyer familial et à la pérennité du couple garante de l’équilibre familial et de la bonne éducation des enfants.

La fidélité ne va pas de soi. Elle peut être une évidence au début, elle l’est moins à l’épreuve du temps. C’est une exigence de vie, elle se décide pour soi et avec l’autre. Elle se parle, elle peut évoluer dans le temps, elle se négocie. La fidélité a besoin d’être nourrie par les attentions du quotidien, par le désir renouvelé des partenaires, par la qualité de la relation amoureuse. Ce n’est pas un dû, c’est un cadeau chaque jour offert réciproquement. Encore faut-il être d’accord sur ce que c’est qu’être fidèle l’un à l’autre et où commence l’infidélité dans le couple.

Où commence l’infidélité ? A un regard plus appuyé, un sourire, une oeillade à un(e) autre que soi ? A un flirt par texto avec un (e) collègue ? A la fréquentation de sites de rencontres comme ça pour jouer ? Au visionnage d’un film porno ? A un baiser échangé ? A une relation sexuelle passagère ou installée ?

Chacun va placer son curseur à un endroit différent. Il n’y a aucune réponse théorique à apporter. En revanche, il convient de se mettre d’accord ensemble sur ce qui est accepté par l’autre ou non. Et c’est souvent dans ce décalage de perception que les partenaires vont faire l’expérience de la différence et du compromis : en nous choisissant nous renonçons à ce qui pourrait nous blesser, nous faire du mal. C’est une décision qui ne laisse pas de place aux non-dits, il faut être clair sur les limites de chacun, il faut pouvoir en parler.

Au deuxième temps de la valse,

je trébuche, tu dérapes et nous perdons l’équilibre

Car lorsque l’infidélité s’invite dans le couple il y a de la souffrance, un sentiment de trahison, d’incompréhension, d’abandon, la colère gronde, le monde s’écroule les questions se bousculent : « qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? » « je ne suis plus désirable ? » « mon corps n’est plus satisfaisant ? » « je ne suis plus aimé(e) » « c’est la fin de notre couple ? ». Il y a les infidélités du cœur et celles du corps vécus différemment selon les uns et les autres, selon l’investissement dans l’affectif ou dans la performance. Ce qui fait souffrir dans l’infidélité c’est le mensonge, le fait de découvrir « par hasard » que l’autre a « trompé ». Quel que soit son sexe, homme et femme vont se sentir atteints dans le lien ou dans sa capacité à apporter du plaisir à l’autre. L’infidélité est une blessure à l’estime de soi de celui ou de celle qui est trompé(e).

L’infidélité vient révéler un dysfonctionnement dans la relation des deux partenaires, ce peut être une insatisfaction liée à la sexualité, des refus répétés, un abandon des jeux érotiques, ou bien une complicité qui n’existe plus, ou encore une lassitude dans la routine, un quotidien répétitif qui a instillé son poison doucement mais sûrement. Il y a autant de raisons qu’il y a de couples différents. Ces raisons ne sont pas des excuses, ces raisons servent à comprendre ce qui dans le fonctionnement du couple n’apporte plus de satisfaction.

Au troisième temps de la valse,

on arrête ou on continue ?

L’infidélité dans le couple ne signifie pas nécessairement la fin de la relation conjugale. Le couple peut se saisir de cet événement pour rebondir et se dire enfin les mots qui manquaient. La reconstruction n’est pas facile et nécessite d’écouter les émotions comme la colère, la frustration, le sentiment d’abandon qui ont été éprouvés par l’un et par l’autre. Il faut du temps pour construire la confiance, il en faut encore plus pour la retrouver.

A la fin d’une thérapie de couple, une femme disait à son mari « finalement je me demande si je ne suis pas allée voir ailleurs pour te réveiller et sauver notre couple ». Par l’intermédiaire de cette infidélité des corps, de façon dangereuse et maladroite, on peut oser se demander si cette femme n’est pas restée fidèle à son attachement pour son mari.

Fidélité et infidélité sont intiment liées dans la vie du couple. Elles se doivent d’être remises en question tout au long de la vie dans un dialogue permanent entre deux individualités qui s’épanouissent différemment et ensemble quand elles l’ont décidé.

Sophie Lortat-Jacob

Par

Sophie Lortat-Jacob

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